Un jour, éléonore et moi, nous rencontrâmes l' amour, dormant sur un lit de fleurs. Enchaînons-le, dit tout bas éléonore, et portons-le dans notrehermitage ; nous nous amuserons de sa peine, etpuis nous lui rendrons la liberté ; mais nous volerons son carquois, et nous couperons ses ailes. Il faut lui laisser son carquois, répondis-je ; pour les ailes, nous ferons bien de les couper. Nous nous mettons à l' ouvrage ; nous tressons des guirlandes de roses ; nous lions les pieds et les mains à l' amour, et nous le portons sur nos bras jusques dans notre asile. Il se réveille tout-à-coup ; (le sommeil de l' amour est toujours léger.) il veutbriser ses liens ; mais ils étoient tissus des mainsde ma maîtresse. Ne pouvant y réussir, il se met àpleurer. Ah ! Rendez-moi la liberté, s' écrie-t-il ; si vous me laissez long-temsenchaîné, je vais ressembler à l' hymen.
- Eh bien, nous allons vous dégager ; mais nous voulons auparavant vous couper les ailes.
- Quoi ! Vous seriez assez cruels ?
- Oui ; vous en deviendrez plus aimable, et l'univers y gagnera beaucoup.
- Que je suis malheureux ! Puisque mes prières ni mes larmes ne sauroientvous attendrir, laissez-moi les détacher moi-même. Alors il détacha ses ailes, et les mit, ensoupirant, aux pieds d'éléonore. J'étois étonné devoir l'amour si obéissant ; je ne savois pas letour qu' il nous préparoit. On couvrit la table de flacons, et l' amour prit un couvert entre nous deux. Trois coups le rendirent plus charmant que jamais. Ses yeux pétilloient d' un feu nouveau ; les naïvetés et les bons mots découloient de sa bouche. Mais il but trop ; l'ivresse remplaça la gaîté ; sa tête appesantie s' inclina sur la table ; il alloit expirer. Ah ! Qu' avons-nous fait, ma chère éléonore ?Vîte, des parfums ; serre l'amour entre tes bras. Comme il est froid et immobile ! ô ciel ! S' ilmouroit !
Éléonore le prend sur ses genoux ; elle le presse contre son sein. Moi, je réchauffe ses mains et ses pieds. Il revient peu-à-peu de son évanouissement, et reprend bientôt toutes ses forces. Un rien affoiblit l'amour ; un rien lui rend la santé. Cependant une chaleur nouvelle s' insinuoit dans tous mes sens. Les yeux d'Éléonore me disoient qu'elle éprouvoit le même tourment. Elle se pencha sur un lit de gazon ; je m'assis auprès d'elle ; je soupirai, elle me regarda languissamment ; je la compris... ô miracle étonnant ! Au premier baiser, les ailes de l' amour commencèrent à renaître. Elles croissoient à vue d' oeil, à mesure que nous avancions vers le terme du plaisir. Après le moment du bonheur, elles avoient leur grandeur ordinaire. Alors il nous regarda tous les deux avec un souris malin. Apprenez, nous dit-il, que l' amour ne peut exister sans ailes. On a beau me les couper, la jouissance me les rend ; et vous verrez bientôt qu' elles sont aussi bonnes que jamais.
Hélas ! Sa prédiction n' est que trop accomplie ! Mais tout le poids de sa colère est tombé sur moi. éléonore est infidelle, et tous les feux qui la brûloient ont passé dans mon coeur. En vain je veux aimer ailleurs ; je sens trop qu' on ne peut aimer qu' une fois.
Éléonore le prend sur ses genoux ; elle le presse contre son sein. Moi, je réchauffe ses mains et ses pieds. Il revient peu-à-peu de son évanouissement, et reprend bientôt toutes ses forces. Un rien affoiblit l'amour ; un rien lui rend la santé. Cependant une chaleur nouvelle s' insinuoit dans tous mes sens. Les yeux d'Éléonore me disoient qu'elle éprouvoit le même tourment. Elle se pencha sur un lit de gazon ; je m'assis auprès d'elle ; je soupirai, elle me regarda languissamment ; je la compris... ô miracle étonnant ! Au premier baiser, les ailes de l' amour commencèrent à renaître. Elles croissoient à vue d' oeil, à mesure que nous avancions vers le terme du plaisir. Après le moment du bonheur, elles avoient leur grandeur ordinaire. Alors il nous regarda tous les deux avec un souris malin. Apprenez, nous dit-il, que l' amour ne peut exister sans ailes. On a beau me les couper, la jouissance me les rend ; et vous verrez bientôt qu' elles sont aussi bonnes que jamais.
Hélas ! Sa prédiction n' est que trop accomplie ! Mais tout le poids de sa colère est tombé sur moi. éléonore est infidelle, et tous les feux qui la brûloient ont passé dans mon coeur. En vain je veux aimer ailleurs ; je sens trop qu' on ne peut aimer qu' une fois.
Évariste Parny
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